Lumière dans l'hiver

Nous vivons un hiver qui dure… Et ce n’est sans doute pas un hasard si la création du site de la Compagnie des Syrtes advient pile-poil un an après le premier confinement. Certes, le projet était dans les tiroirs depuis longtemps, dans la liste toujours reportée des à-faire. La rencontre, le lien direct avec ceux avec qui nous partageons nos projets étaient à nos yeux plus importants que la communication virtuelle, qui tend paradoxalement à nous éloigner les uns des autres.

Peut-être aussi le confinement nous pousse-t-il aujourd’hui à écrire, dans le silence assourdissant des arts maintenus sous cloche. La création malgré tout de Lampedusa Snow en janvier dernier, deuxième volet de la Trilogie du Naufrage de Lina Prosa, la démarche de Corinne d’engager les Syrtes sur le long terme dans un projet utile, son accueil chaleureux par les enseignants et les publics scolaires, l’isolement enfin lié à la pandémie, nous aura incité à plus de présence sur la toile. Maintenir le lien, ne rien lâcher, continuer à partager avec les outils qui nous restent, qu’on nous laisse, en bataillant pour des jours meilleurs, pour que l’association des mots présence et ciel retrouvent un sens plus charnel….

Le silence se prête à l’écriture, l’écriture au silence. Silences, c’est une autre création en cours de la Compagnie, d’avant le confinement, une nécessité même plus qu’un projet. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de la période, vécu par beaucoup d’entre nous, que d’avoir soudainement ressenti la nécessité du rien faire, du non-agir cher à Lao-Tseu, et découvert par là-même un agir autrement. Et puisqu’il nous est imposé à défaut de donner, nous le prenons pour raconter Les Syrtes, ses bientôt 40 années d’histoire. Plongée émouvante, envie d’être bavards, prolixes, littéraires, fouiller les vieux clichés argentiques jaunis, ressusciter les compagnons-de-haut-vol. Oui je sais : sur la toile faut faire court, être efficace, aller dans le sens du zapping, le gavage de brèves, la frénésie du présent… Eh bien, le site des Syrtes c’est tout le contraire ! Un site d’escargot : je m’étale, je prends le temps… Du temps gagné sur le temps perdu des hivers qui durent.

Milesker handi bat à toute l’équipe de Studio Waaz qui a réalisé le site de la Compagnie, et particulièrement à Camille Aubert pour sa patiente et son efficacité ! Bidea on !

Jean-Philippe Leremboure, mars 2021